La vision est au centre de nos interactions avec le monde extérieur, elle nous donne la possibilité d’identifier, de reconnaître les personnes et les objets. Elle nous permet aussi d’agir sur eux et de guider nos différents comportements.
Avec l’arrivée de nouvelles technologies d’imagerie, des études ont montré que le système nerveux central devient fonctionnel à partir du troisième trimestre de la gestation. Il semble encore très immature cependant au cours de ce trimestre, il se développe progressivement, les capacités sensorielles et perceptives se perfectionnent. De plus, des recherches soulignent que les apprentissages se poursuivent au-delà du terme de la gestation, témoignant d’une continuité transnatale de la fonctionnalité des systèmes sensoriels, perceptifs et mnésiques.
Dans les années 1958, Fantz utilise des motifs comme des triangles, des croix, et des cercles pour montrer l’évolution de la vision du nourrisson en fonction de l’âge. Le bébé a un intérêt préférentiel et automatique pour les stimuli qui comportent un maximum de contrastes et de conteurs tandis que les stimuli lisses et uniformes s’éveillent aucun intérêt pour le petit enfant. Vers 1962, ce même auteur perfectionne son protocole, et ajoute des rayures noires et blanches. Cette technique permet de mesurer le pouvoir séparateur de l’œil. Les travaux d’observation de Fantz & all. (1962) prouvent que le nourrisson préfère regarder un motif plutôt qu’un autre exposé sur une surface homogène. Ces premières études sont le fondement des méthodes contemporaines de l’étude de la vision infantile.
Par la suite, Teller poursuit et approfondit la méthode pour élaborer un protocole psychophysique rigoureux nommé : forced-choice preferential looking (regard préférentiel à choix forcé). Cette méthode consiste à observer le choix du regard de l’enfant, va-t-il vers la droite ou vers la gauche en fonction du stimulus présenté d’un côté d’une surface. Ce procédé permet à Teller d’explorer les diverses capacités visuelles.
La première stimulation de l’œil se fait au travers de la lumière. Lorsque nous voyons un objet, les rayons lumineux se réfléchissent sur l’objet, pénètrent dans l’œil pour aller impressionner la rétine. Notre qualité visuelle dépend de nombreux facteurs comme la qualité de l’éclairage, la taille de l’objet, la capacité qu’ont nos yeux de converger sur l’objet ainsi que la profondeur de notre œil qui va conditionner la façon dont les rayons lumineux sont projetés sur la rétine.
La taille de notre œil augmente progressivement de la naissance jusqu’à l’adolescence mais c’est au cours de la première année qu’il grandit le plus. La profondeur du globe oculaire, de la cornée et de la rétine mesure :
Plus le globe oculaire augmente, plus la qualité de l’image perçue se bonifie.
La rétine se trouve sur le fond de l’œil, et au centre se situe ce que l’on nomme la fovéa qui permet d’avoir une vision précise. C’est dans cette fovéa que l’acuité visuelle est la meilleure. A la naissance, la partie fovéale de la rétine est encore immature. Dès les premières semaines de vie, le nombre de cônes se situant dans la fovéa augmentent, leur forme change, ils deviennent plus longs et plus minces ce qui permet une meilleure capture des ondes lumineuses et augmente la perception des contrastes et des couleurs. La fovéa se développe rapidement pendant les deux premiers mois et atteint sa maturité vers l’âge de quatre ans où l’acuité visuelle est à son maximum.
En ce qui concerne la rétine périphérique, elle est composée de cellules en forme de bâtonnets. La vision est beaucoup moins précise. Toutefois, c’est la région de la rétine périphérique, que nous pouvons détecter les mouvements. Cette partie de la rétine atteint sa plénitude vers quinze mois. Ce qui explique pourquoi les bébés sont attirés plus facilement par des cibles en mouvement.
La différence entre rétine centrale (fovéa) et rétine périphérique donne une explication sur la capacité du bébé de quelques semaines à orienter son regard vers un stimulus visuel qui entre dans son champ visuel périphérique pour mieux voir ce stimulus en vision fovéale. Cette capacité est très importante, elle nous donne la possibilité d’orienter notre attention dans l’espace. Elle est indispensable pour rentrer en relation avec notre environnement extérieur.
Deux paramètres vont progressivement augmenter au cours des premiers mois : l’acuité visuelle et le champ visuel mais aussi vont s’améliorer l’adaptation à la lumière et l’exploration visuelle. A la naissance, le bébé voit des formes imprécises ce qui est sans doute dû à une acuité visuelle limitée. Très rapidement, cette acuité visuelle se développe :
Elle est identique à l’adulte, c’est-à-dire 10/10es vers quatre/six ans.
Le champ visuel est défini comme la zone de l’espace à l’intérieur de laquelle nous pouvons détecter ou localiser une information visuelle sans bouger les yeux. A l’âge adulte, ce champ visuel mesure 180° latéralement et 115° verticalement. Lorsque le bébé vient au monde, son champ visuel est très réduit, il mesure environ 20° verticalement et 60° latéralement.
A la naissance, Il voit à une distance de 20 cm, ce qui correspond à la distance entre son visage et celui de sa mère quand elle le nourrit. Lorsque l’on déplace un objet lentement, l’enfant peut le suivre des yeux. De plus, de tous les stimulus visuels, la préférence du nourrisson va vers les visages humains. Cette attirance pour les visages est importante pour la relation précoce entre la mère et enfant mais aussi pour son développement affectif, relationnel et cognitif. Le champ visuel s’amplifie très vite, son développement se stabilise à la fin de la première année.
Dès 28 semaines, l’imagerie cérébrale et les modifications du rythme cardiaque montrent que le fœtus est réactif à la lumière. L’observation du fœtus a montré que son système visuel fonctionne. Le fœtus alterne des moments de fixations visuels et des moments de mouvements oculaires alors qu’il vit dans une semi-obscurité. Les mouvements des yeux chez le fœtus ne sont pas encore nécessaires cependant ils préparent le système à percevoir le monde extérieur à la naissance. Son expérience, durant les trois derniers mois de gestation, lui permet de discerner des différences de luminosité et d’être familiariser avec des éléments en mouvements. De ce fait, l’enfant naît, même si elle est limitée, avec une expérience visuelle.
Le bébé venant de sortir d’un milieu obscur est très sensible à la lumière, il préfère les endroits où la lumière est tamisée. Lorsque la lumière est trop forte, il ferme systématiquement les yeux. La pupille joue le même rôle que chez l’adulte, elle diminue lorsque la lumière est vive et augmente dans un environnement sombre pour que le maximum de rayons lumineux parvienne à la rétine.
Les mouvements oculaires nous permettent de détecter, de fixer et de suivre des objets dans notre environnement. Dès la naissance, les bébés sont capables d’alterner moments de fixation et mouvements des yeux afin de suivre un objet qui est dans son champs de vision. Cependant, il ne sait pas encore contrôler parfaitement l’amplitude de ses saccades. La direction pour atteindre l’objet est exacte mais les yeux du bébé peuvent rater la cible. Le nouveau-né doit faire plusieurs saccades oculaires de correction. Les saccades deviennent précises vers quatre mois.
Lorsqu’une cible est en mouvement, nos yeux bougent dans la direction de la cible et à la même vitesse. Lors de la poursuite visuelle, nous réalisons des mouvements lents et combinés des deux yeux. Lorsque nous montrons lentement au bébé une cible contrastée (spirale en noir et blanc), nous constatons qu’il poursuit sa cible. Dans les premières semaines, la poursuite se fait en associant des mouvements de la tête puis en grandissant le bébé suit sa cible uniquement en bougeant les yeux. Vers quatre mois, la poursuite visuelle devient plus fluide. Elle évolue et se stabilise quelle que soit la cible vers dix-douze mois. Le nouveau-né, dès sa naissance, peut fixer et suivre une cible qui se déplace lentement, par contre il faut que l’objet se situe entre 20 et 50 cm.
Comme nous venons de le voir, les yeux sont la première étape du traitement visuel néanmoins l’information doit être transmise par le nerf optique puis par les voies visuelles jusqu’aux régions cérébrales impliquées dans la vision qui vont décoder l’information. Les voies visuelles sont établies vers cinq-sept mois mais deviennent matures vers l’âge de sept huit ans. Les aires visuelles primaires qui se situent au niveau du cortex occipital augmentent et vont atteindre leur maturation vers l’âge de onze/douze ans.
Il est important de signaler que la maturation du système visuel particulièrement les voies visuelles et les centres cérébraux de la vision vont se développer essentiellement avec les expériences visuelles. Plus, il y aura de simulations visuelles nombreuses, variées et de bonne qualité durant cette période, plus le système visuel de l’enfant se développera de façon harmonieuse.
L’œil est un élément essentiel toutefois il n’est que le premier maillon de la chaîne du traitement visuel. Par la suite, les informations visuelles captées par l’œil sont transférées aux régions cérébrales spécialisées dans la vision. Elles seront ensuite décodées.
Dès sa naissance, tous les sens du petit enfant sont en éveil et lui permette une ouverture sur le monde. Il observe son environnement et de ce fait, commence à intégrer un grand nombre d’éléments liés à son entourage. Toutes les interactions que l’on élabore avec l’enfant, lui apporte de l’information qui se dirige vers son cerveau. Celles-ci sont stockées, organisées et interprétées. Les nouvelles sensations découvertes et apprises, composent la base du développement de la perception. La perception étant l’interprétation du monde qui nous entoure. Cependant, il faut faire la distinction entre des sensations qui sont objectives tandis que la perception est subjective.
Les nouveau-nés ont une préférence pour les objets très contrastés, comme par exemple le noir et le blanc. Mais cela ne veut pas dire qu’ils voient en noir et blanc, ils évoluent dans un monde plutôt coloré. Cependant, leurs spectres des couleurs n’est pas identique à celui des adultes. Ils peuvent faire la différence entre le vert, le rouge, le jaune par rapport au blanc. Mais ils ne distinguent pas encore les couleurs entre elles. De plus, la couleur bleue est absente car les cônes correspondant à la détection de cette couleur ne sont pas encore opérationnels. Ce n’est que vers l’âge de deux mois que le bébé possède la même capacité de distinguer les couleurs que l’adulte.
Dès sa venue au monde, le bébé distingue de manière imprécise les formes des objets et des personnes. Il a une sensibilité forte aux contrastes. L’enfant fixe souvent des objets foncés sur des murs clairs parce qu’ils sont plus visibles pour lui. Ce n’est que lorsque la fovéa devient mature que l’enfant améliore son acuité visuelle. Donc si vous voulez développer cette acuité, il faut faire regarder de grands objets à fort contraste. De plus si les objets contrastés sont de formes différentes, l’enfant peut faire la distinction entre formes curvilignes et formes rectilignes. Il est plus attiré par des objets réels que par des objets sur des photos. Il a aussi une préférence pour les formes hétérogènes plutôt d’homogènes, et les traits horizontaux plutôt que verticaux. Par ailleurs, les bébés sont très sensibles aux mouvements biologiques, c’est-à-dire des points lumineux qui miment les mouvements humains.
Lorsque nous regardons un objet, la taille de l’objet varie sur notre rétine en fonction de la distance. Cependant quelle que soit la distance qui nous sépare de l’objet, nous constatons qu’il a la même taille. C’est notre cerveau qui rectifie en permanence la projection rétinienne en tenant compte de la distance de l’objet. Le cerveau du bébé est capable de constances perceptives dès sa naissance. Le monde visuel de l’enfant est donc stable.
Le développement de son cerveau est stimulé par les informations données par l’ouïe, la vue, le goût, l’odorat ainsi que par les mouvements de son corps. L’évolution de l’enfant se produit non seulement avec chaque sens mais aussi lorsque les différents sens interagissent entre eux. Lorsque l’enfant découvre un objet, il utilise aussi bien le toucher, la vision, audition et l’odorat.
Vers 6 mois, il associe l’audition et la vision en faisant un lien entre la voix et le visage.
L’association entre toucher et vision, participe à la découverte de son corps. Le premier membre à être découvert est la main qui est dans son champ visuel. Il la voit, la fait bouger, l’ouvre, la ferme, peut la porter à sa bouche. Il peut la maîtriser.
Avant de pouvoir saisir un objet, l’enfant peut découvrir ses caractéristiques par la vision. Il voit et enregistre si l’objet est gros ou petit, brillant ou terne, s’il bouge ou s’il est immobile.
Avec le développement de la vision, l’enfant évalue les distances qui le séparent des objets. Il apprécie les mouvements qui se produisent dans son environnement. Par ailleurs, il développe la notion de profondeur.
Voir est un sens qui va plus loin que regarder et suivre des personnes ou des objets. Il ne faut pas oublier que c’est aussi se repérer dans l’espace… Orienter son attention visuelle, choisir l’information visuelle à traiter, apprendre à reconnaître les visages et les lieux familiers. Ces différents processus cognitifs ne sont pas traités seulement dans les aires visuelles mais dans l’ensemble des régions cérébrales. Tout au long de notre vie nous acquérons de nouvelles connaissances grâce à nos expériences visuelles et nos interactions avec le monde.
Le développement des habiletés visuelles du bébé l’incite à porter son regard sur les objets, à les fixer et à les suivre lorsqu’ils se déplacent. Il en enregistre les caractéristiques. De plus, il évalue les distances et la profondeur. Dès ses premiers instants, il regarde les visages humains, il décode les messages affectifs. Par le regard, il communique ses besoins et ses désirs.
Rédaction : Chantal Caracci Simon