L’audition résulte du couple oreille-cerveau. L’oreille capte les ondes sonores et transmet les vibrations jusqu’à la cochlée. Là, des cellules ciliées les transforment en signaux électriques transmis jusqu’au cerveau par le nerf auditif. C’est à ce niveau que les sons seront traités, interprétés et mémorisés.
Pour assurer ses fonctions, l’oreille est divisée en trois parties : l’oreille externe se compose du pavillon (la partie visible) et du conduit auditif qui mène jusqu’au tympan. Son rôle est de capter, amplifier et focaliser les sons vers l’oreille moyenne. Lorsque les ondes sonores frappent le tympan, celui-ci se met à vibrer. Ces vibrations parviennent jusqu’à l’oreille moyenne constituée de petits os articulés. Ces osselets les transmettent jusqu’à une membrane appelée fenêtre ovale, située à l’entrée de l’oreille interne. Cette dernière renferme la cochlée, une structure en forme de spirale composée de 15 000 cellules ciliées capables de transformer les vibrations en signaux électriques transmis au cerveau par le nerf auditif.
L’organe de l’audition est un organe extraordinairement complexe et remarquable, capable de traduire les ondes sonores, en informations nerveuses transmises au cerveau, via le nerf auditif.
Il existe une organisation neuronale cérébrale qui suit des processus de maturation physiologique des voies nerveuses auditives. Ces derniers résultent d’une part de modifications morphologiques concernant les prolongements cellulaires, la formation des connexions synaptiques, la multiplication des dendrites, et d’autre part de l’activité biochimique des neurones au niveau transmission et réception, ainsi que de la myélinisation des axones qui jouent un rôle important dans la vitesse de transmission des messages nerveux.
Les voies nerveuses auditives de l’enfant se structurent au cours de la période fœtale. Au soixante-dixième jour de vie embryonnaire, le labyrinthe membraneux a achevé sa mise en forme. Au sixième mois de la gestation, les structures de l’oreille interne sont fonctionnelles.[Dunn et al., 2015].
Dès la première heure de vie, les réflexes cochléo-musculaires observés sont caractéristiques de la boucle réflexe sous-corticale. La maturation des voies auditives est maximale dans les premiers mois de vie. C’est entre 6 et 24 mois que la densité des connexions des cellules nerveuses du cortex auditif est la plus importante. Durant cette période, les aires auditives centrales s’organisent en plages fréquentielles et stéréophoniques. Une atteinte périphérique importante et persistante peut entraîner des lésions irréversibles. Cette période est appelée « période critique ». [Knudsen, 2004]
La myélinisation impliquée dans la production de la parole est plus ou moins rapide. Cela dépend des niveaux corticaux : ainsi la voie préthalamique complète sa maturation avant 12 mois. Celle post-thalamique achève sa maturation vers la cinquième année de vie. [Loundon et al., 2018]
Dès la 20e semaine de la vie intra-utérine, le bébé perçoit les bruits et réagit. À 25 semaines, il est capable d’écouter, car son circuit auditif est opérationnel. Le fœtus, capable d’entendre, est plongé dans un environnement auditif constant où dominent les graves. On peut en déduire que les rythmes d’une part des bruits corporels maternels, d’autre part de la voix maternelle, sont deux éléments essentiels auxquels est soumis le jeune organisme. Le fœtus de fin de gestation peut établir une certaine représentation de régularités spectrales et mélodiques lorsqu’il est stimulé pendant de très longues périodes avec des sons complexes de longue durée, soit portés par la voix maternelle, soit en provenance de l’environnement [Granier-Deferre & Schaal, 2005].
Vers la 35e semaine, ses capacités se rapprochent de celles d’un adulte [Lecanuet et al., 2000]. Un certain engrammage de la trame sonore existe, car les indices prosodiques entendus in utero restent en mémoire et sont reconnus pendant quelques semaines après la naissance [Querleu et al., 1986].
Entendre fournit au bébé les ingrédients nécessaires à l’apprentissage du langage.
Le nouveau-né est capable de faire la différence entre voix humaine et bruit. Entre 1 et 5 mois, la catégorisation des sons par la voie intonative est possible. Le nourrisson est capable d’avoir une reconnaissance d’une syllabe dans des énoncés différents et de réagir à des changements de contours intonatifs. Il est capable de repérer visuellement une association auditivo-articulatoire correcte [Kuhl & Meltzoff, 1996]. Entre 5 et 7 mois se développe la sensibilité aux catégories syntaxiques et prosodiques de la langue maternelle [Imafuku et al., 2014]. À cette période, les mouvements de la bouche sont mis en correspondance avec la perception des voyelles. La détection des indices prosodiques des différentes langues est possible. Le bébé est capable de percevoir les contrastes qui n’appartiennent pas à sa langue. Entre 6 et 12 mois, le bébé perd progressivement la capacité à percevoir les phonèmes qui ne sont pas utilisés dans sa langue maternelle [Werker & Tees, 1984].
À la fin de leur première année, les nourrissons ont acquis les caractéristiques sonores de leur langue.(Rythme, mélodie, phonèmes spécifiques de leur langue et leurs règles de combinaison dans les mots). Leur babillage est marqué par la langue maternelle. Ils sont capables d’extraire des mots de la parole continue. Ils associent les mots les plus fréquents avec les personnes, les événements et les objets. Ils produisent progressivement les énoncés grammaticaux en combinant les différentes catégories syntaxiques de leur langue maternelle [Le Normand et al., 2013]. Ces acquisitions précoces essentiellement perceptives se font selon des étapes successives, commençant par l’explosion lexicale vers 18 mois, pour arriver progressivement vers 4 ans à une parole intelligible structurée et à une grammaire parfaitement constituée.
Tous les bébés du monde partagent ces capacités perceptives initiales, mais la langue de l’entourage les modifie rapidement. Dans les pays industrialisés occidentaux, le développement du langage chez l’enfant est corrélé aux paroles directement adressées par des adultes. Cette corrélation est-elle universelle ? Des recherches se poursuivent actuellement en recueillant les paroles adressées aux enfants de cultures très différentes pour pouvoir répondre à ces questions. [Cristia et al., 2017].
La perception du monde de l’enfant est multi-sensorielle et multimodale. La fonction auditivo-verbale se confronte avec les informations venues d’autres sens. L’enfant associe ce qu’il touche, ce qu’il sent, ce qu’il voit, ce qu’il entend dans une approche multimodale et cohérente du monde qui l’entoure pour le raconter avec expression et émotion à son entourage.
Rédaction : Marie-Thérèse Le Normand