Le goût

Saviez-vous que la bouche du fœtus peut déjà avoir des sensations gustatives ? Connaissez-vous la relation qu’entretient le système gustatif avec l’odorat ?

« 5 senses for kids Foundation » vous fait découvrir les différentes étapes de l’éveil du goût chez l’enfant. En bas de page, vous trouverez aussi des activités amusantes pour accompagner la découverte gustative de votre tout-petit.

La perception du goût


Avant toute chose, il faut préciser ce qu’on entend par « goût ». On pense souvent que le goût des aliments est perçu en bouche. Or, faites l’expérience suivante.

Exercice pratique : Pincez-vous le nez et croquez (par exemple) un morceau de chocolat pendant quelques secondes. Observez la sensation, puis débouchez le nez pour avaler. Constatez la différence : nez pincé, ça n’a pas de « goût » ; nez ouvert, ça a du goût !

Comme l’écrivait déjà Brillat-Savarin en 1825 : « sans l’odorat, il n’est point de dégustation complète ».

Lorsque nous mâchons un aliment, nous libérons des produits sapides (c’est-à-dire qui ont du « goût ») et des produits volatils.

Les produits sapides sont perçus dans la bouche. Ce sont les « goûts de base » : sucré, salé, acide, amer et l’umami (goût des protéines). L’umami signifie « essence de délice » en japonais, et son goût est souvent décrit comme le délice charnu et salé qui approfondit la saveur.

Les produits volatils odorants remontent par l’arrière-gorge (le pharynx) et sont perçus par le système olfactif dans le nez.

Si l’on ferme la « cheminée » du nez, on supprime la dimension olfactive. C’est l’ensemble de ces perceptions qu’on appelle « goût ». C’est pourquoi dans la suite nous utiliserons plutôt « gustation » pour les sensations en bouche. Il faut préciser que les voies nerveuses de l’odorat et de la gustation sont différentes. La perception du goût ne se forme dans le cerveau que lorsque ces deux voies sensorielles se rejoignent.

Le sens gustatif : que percevons-nous en bouche ?


Nous avons parlé des « goûts de base ». En fait, c’est une notion bien trop réductrice. Prenons l’exemple du sucré. Il peut être apporté par le sucre, qui est du saccharose pratiquement pur. Mais de nombreux produits sont des substances sucrées, avec des nuances variables, sans qu’il y ait de saccharose : par exemple les édulcorants ou le fructose (le sucre que l’on trouve dans les fruits).

Le goût : une expérience multisensorielle



Il existe donc d’innombrables produits pour stimuler notre système gustatif. De plus, comme nous mangeons essentiellement des aliments complexes, constitués de mélanges de produits sapides, la sensation résultante en bouche est au final beaucoup plus riche que ne le laissent penser les quatre « goûts de base ».

Oubliez aussi la prétendue répartition des goûts sur la langue (par exemple sucré à la pointe) ; la recherche de ces dernières années a montré que les capteurs gustatifs étaient répartis dans les bourgeons du goût sur toute la surface de la langue

Comme pour l’odorat, le nerf trijumeau joue un rôle dans la gustation. Ses terminaisons nerveuses détectent la température, la texture, le piquant (poivre), l’irritant (ail), les bulles des boissons gazeuses. Et n’oublions pas notre sens auditif qui « écoute » les bruits de la mastication.

Le goût lors de la vie intra-utérine


Comment se forme l’organe du goût chez le fœtus ? Les capteurs (récepteurs) des goûts sont situés à la surface de cellules gustatives, elles-mêmes incluses dans les bourgeons du goût, eux-mêmes assemblés à l’intérieur des papilles. Un peu comme un jeu de poupées russes !

Les bourgeons du goût semblent fonctionnels dès 3-4 mois de gestation. Des chercheurs néerlandais ont pu observer par ultrasons quelques fœtus de 19 semaines en train d’avaler du liquide amniotique. Ce mouvement se généralise par la suite. Il est donc certain que le fœtus peut accumuler une expérience gustative avant la naissance.

Le bébé se présente donc au monde avec des références olfacto-gustatives qui vont évoluer durant l’allaitement.

L’intérêt de l’allaitement : une alimentation qui s’adapte


On distingue 3 phases de la lactation : le colostrum, le lait transitionnel et le lait mature.

Le colostrum est produit pendant 2-3 jours après l’accouchement. Il est très concentré en protéines (23 g/litre) et en oligosaccharides (12 g/litre) qui, outre leur apport nutritionnel, se comportent comme des probiotiques favorisant l’implantation du microbiote, en grande partie hérité de sa mère, qu’elle a en quelque sorte « apprivoisé ». D’autres composants favorisent l’immunité du bébé : anticorps et globules blancs. Le colostrum est coloré en jaune-orange par le bêta-carotène (ou provitamine A)

Ensuite arrive le lait transitionnel ; la composition change et le volume augmente pour atteindre le lait mature au bout d’une quinzaine de jours. En moyenne, chaque femme produit alors 0,75 litre de lait par jour et le bébé prélève 0,15-0,2 litre à chaque tétée. Ce lait est relativement dilué en protéines (1 %) mais riche en glucides (7 %) et en lipides (4 %), plus les micronutriments (comme les vitamines et facteurs de croissance).

Comme indiqué dans « Olfaction, côté parents », l’expérience olfacto-gustative de l’allaitement, pratiqué dans l’environnement maternel sécure, favorise à la fois la croissance et les apprentissages. Elle formera la base des préférences et de la diversification alimentaires de l’enfant, voire de l’adulte. C’est ici que s’ancrent les traditions alimentaires ; quand on mange, on mange aussi de la culture. Car, jusqu’à environ deux ans, les enfants vivent « l’âge d’or des papilles », où ils présentent deux capacités essentielles :

  • La première est leur capacité d’apprentissage, d’autant plus stimulée que les nouveaux aliments sont présentés dans un contexte familier et rassurant qui favorise la curiosité.
  • La deuxième, qui se perd après 3-4 ans, est que le bébé sait quand s’arrêter de manger.

Pendant la grossesse et lors de la phase d’allaitement, la fondation “5 senses for kids Foundation” recommande à la mère d’avoir une alimentation équilibrée et diversifiée.

La diversité alimentaire pratiquée dans la famille aura plusieurs retentissements sur ces apprentissages. À travers la ration de sa mère, le fœtus puis le bébé au sein acquièrent une première expérience fondatrice. Après le sevrage, la pratique familiale proposera également une plus ou moins grande variété qui se prolongera durant l’enfance et jusqu’à l’âge adulte malgré les épisodes, d’abord de « néophobie », puis d’adolescence.

Néophobie alimentaire et adolescence


Dans la 2e année s’installe quelquefois une « méfiance » à l’égard des aliments nouveaux (et même à l’égard de nourritures connues, peut-être tout simplement parce qu’elles ne sont pas consommées dans les mêmes conditions), qu’on appelle néophobie. On pense que, après la période de « confiance totale » des premiers mois, l’autonomie nouvellement acquise s’accompagne du réflexe habituel face à la nouveauté : la méfiance face à quelque chose de nouveau qui pourrait être potentiellement nuisible ou dangereux. Cette réaction ne se manifeste-t-elle pas chez l’adulte, lorsqu’on lui présente un plat inconnu ?

L’enfant qui « ne veut rien manger »

C’est le cauchemar des parents. Les chercheurs qui ont travaillé sur la néophobie proposent une série d’astuces pour y pallier.

Présentez les plats refusés plusieurs fois de suite (8-10 fois) sans forcer, associer l’enfant à la cuisine, aux courses, au jardinage, faire des jeux, faire des animations scolaires… Évidemment, ça peut compliquer un peu la vie !

L’adolescence est une autre période de changement important. Les systèmes nerveux et hormonaux sont largement remaniés et la fréquentation des copains fait que de nouvelles influences psycho-socio-culturelles peuvent remettre en question ou modifier les habitudes. À tous les âges, dans le cerveau, on trouve dans le circuit de la récompense (qui fonctionne en particulier avec la dopamine) des activités liées au conformisme social. C’est-à-dire que la récompense du conformisme devient supérieure (plus ou moins selon les individus) à celle obtenue par les anciennes préférences. L’homme est un animal social, ne l’oublions pas et les choix alimentaires du groupe, même mauvais, peuvent s’imposer par ce biais.

J’aime ou je n’aime pas ?



Le plaisir de manger chez les enfants implique diverses structures dans le cerveau. C’est le cas de l’amygdale (pas les amygdales de la gorge, mais un noyau nerveux en forme d’amande), qui fait partie du système limbique, celui des émotions et des souvenirs. L’amygdale est en effet le « carrefour » des émotions, qu’elles soient déclenchées par un système sensoriel ou par l’activité propre du cerveau. C’est-à-dire qu’on peut se rappeler la dégustation d’un mets ou d’un grand vin avec la même émotion que lorsqu’on l’a vécu. L’amygdale joue également un rôle central dans l’installation des aversions alimentaires. Si un plat nous a rendus malades, ce souvenir aversif peut s’installer pour très longtemps et être réveillé par la simple vue ou l’odeur de l’aliment.

La culture du goût en France


En 2010, l’UNESCO a inscrit au patrimoine immatériel de l’Humanité le « repas gastronomique des Français ». Depuis, d’autres pratiques ou productions alimentaires dans le monde ont reçu le même label. Ces éléments culturels sont tous fondés sur le goût (olfaction + gustation) et il est certain que ce que l’on considère comme un bon plat apporte du plaisir et du bien-être. Même s’il faut « consommer avec modération », l’éducation olfacto-gustative vaut qu’on lui donne une place importante pour ses conséquences sur la santé et le bien-être. L’espèce humaine est sans doute la seule espèce où un besoin vital, fondamental — se nourrir — a pu se transformer en art de vivre à travers son histoire.

Activités ludiques pour éveiller son enfant aux différents goûts


“5 senses for kids Foundation” vous recommande quelques jeux pour favoriser le développement du goût chez votre enfant.

  • vous pouvez faire découvrir de nouvelles textures à un enfant avec un yaourt glacé. Placez un bâtonnet dans un yaourt et mettez-le dans votre congélateur. L’enfant peut alors le manger comme une glace.
  • vous pouvez aussi présenter à l’enfant un fruit sous deux formes différentes : une purée et en petits morceaux.

Pour des enfants âgés de 3 ou 4 ans :

  • Dès que les enfants ont suffisamment de compréhension, on leur montre ce qu’ils doivent faire et suffisamment confiance (car il faut se boucher le nez). Le but est de montrer que le goût, c’est de l’odorat. Avec un morceau de chocolat ou une cuillerée de yaourt parfumé : les yeux fermés et le nez pincé, on met l’aliment dans la bouche. On mastique quelques secondes. Il faut prendre le temps de « sentir » la sensation ; puis on ouvre le nez : que se passe-t-il ?
  • On peut aussi  faire goûter les saveurs de base : sel, sucre (facile) ; plus difficile : l’acide, du jus de citron par exemple (souvent, les enfants n’aiment pas) et l’amer comme l’endive  (ils aiment moins encore, mais ça dépend des enfants).