Entretien avec Nathalie Casso-Vicarini : partie 2
Dans les grands classiques, une autre question relative à la gestion des pleurs du bébé et les caprices.
Déjà un petite remarque sur le nom de : « 5 senses for kids Foundation ». Je trouve que c’est un nom très intéressant et très prometteur. Un bébé apprend par ses cinq sens. C’est la voie d’entrée de ses connaissances.
Il a besoin de goûter : la bouche est sa « troisième main ». C’est ce que disent les éducateurs depuis très longtemps.
Il a besoin d’entendre une mélodie : la prosodie de la voix des parents par exemple. Cette musique de la langue va lui donner ensuite sa langue maternelle.
Il a besoin du toucher qui est essentiel. Il a aussi besoin de l’odorat dès qu’il est au contact d’éléments par ses cinq sens. Cela va donner des informations importantes à son cerveau. Si le bébé est entouré de plastique dans une pièce, il ne va pas du tout du tout apprendre la même chose !
Il a besoin d’extérieur, de beaucoup de naturel autour de lui. Il a surtout besoin de la présence rassurante, sécurisante et d’attachement auprès de ses donneurs de soins. Donc, quand le bébé a des besoins : il pleure. C’est un peu sa façon à lui de dire : j’ai faim, j’ai besoin d’un câlin. Ou bien encore je suis fatigué, je ne suis pas propre. Son besoin prioritaire, c’est le besoin d’attachement. Il a aussi des besoins physiologiques. Les besoins d’être nourri, d’être propre, d’être dans un milieu sécurisant pour dormir, etc… Donc le bébé pleure, et ça c’est naturel !
On dit aux parents « votre bébé pleure, c’est normal. Ce n’est pas parce que vous êtes un mauvais parent, c’est normal, il exprime ses besoins ». Donc vous allez petit à petit dans l’accordage au jour le jour, vous adapter à votre bébé. Lui, il va vous donner des signes, vous envoyez des signaux et vous allez vous adapter pour lui apporter une réponse absolument inconditionnelle à ses besoins. Parce que si vous ne répondez pas, eh bien il ne va pas le faire par lui-même.
Alors, jusqu’à cinq, six ans, le cerveau émotionnel et le cerveau limbique sont des cerveaux qui sont extrêmement forts. Le cerveau émotionnel est un cerveau très immature parce que l’enfant ne peut pas réguler ses émotions. Les connexions neuronales avec le cortex orbitaux frontal est le cerveau de la réflexion, le cerveau de la prise de recul, le cerveau des fonctions exécutives et de la mémoire, de l’intellect qui va dire à l’autre cerveau « calme toi ».
Si le parent n’a pas connaissance de cette immaturité cérébrale, et bien il peut s’énerver en disant « Mon enfant fait un caprice. Mais calme toi ! » Sauf qu’il faut que cet enfant acquière de l’expérience. Cette dernière s’acquiert jusqu’à cinq, six ans dans des situations qui ne connaît pas ou qu’il n’a pas vécu suffisamment. La régulation émotionnelle ne se fait pas que par l’exemple. Elle se fait surtout grâce au parent qui va adopter une attitude bienveillante, qui va se mettre à sa hauteur, qui va essayer de comprendre ce qui se passe, qui va essayer de mettre des mots ou tenter des hypothèses avec son enfant de ce qui a pu se passer.
Est ce qu’il/elle a eu peur, en colère, triste ? Il faut avoir la panoplie des émotions pour l’accompagner au mieux. Mais si le parent lui-même a une attitude sereine et bienveillante, c’est ce qui va le plus aider l’enfant. Je pense aux professionnels de la petite enfance qui sont les personnes d’attachement secondaires en qui l’enfant a confiance. Toutes ces personnes vont l’aider par leur attitude sereines et bienveillantes à prendre du recul petit à petit et à nommer les émotions et à s’adapter au monde qui l’entoure. Je parle de beaucoup d’expériences et surtout de beaucoup d’attention privilégiée.
J’entends par ailleurs bien votre question, ça ne veut pas dire qu’on va toujours dire oui à un enfant, ça n’a rien à voir. Quand on pose un cadre, c’est important qu’il soit stable. Il va évoluer dans le temps, bien sûr, mais c’est important qu’il soit stable. Il faut que les deux parents soient en cohérence avec ce cadre. Par exemple, ce n’est pas à l’enfant de choisir le repas, les aliments, qui va consommer son heure de coucher et ses heures de sorties. Non, ça, c’est le rôle du parent : c’est savoir ce qui est bon pour son enfant ou non.
Justement, par rapport à son développement : qu’est-ce que vous pouvez dire sur les compétences des bébés et quel lien est ce que vous établissez avec le plaisir de l’enfant par rapport à ses compétences ?
Alors c’est une excellente question. Le bébé est très compétent déjà « in utero ». Il sait faire beaucoup de choses. Il sait faire des roulades, il sait se nourrir tout seul et il entend déjà. Le filtre de la paroi utérine est un filtre, mais ne filtre pas tout : donc il s’exerce à beaucoup de choses et le toucher est sa première compétence quand il naît. C’est la raison du peau à peau. Le toucher est un sens qui est extrêmement développé et une compétence qui est très développée. La marche est acquise, on sait aussi que le bébé sait compter (c.f. les travaux de Ghislaine Dehaene-Lambertz).
Le bébé a des compétences innées et il va aussi apprendre par la suite. Nous les adultes, on va l’accompagner dans ses compétences. C’est toute la question de l’école et des apprentissages en général. C’est à dire qu’on apprend pas dans la contrainte, ou alors on fait des enfants des perroquets dont les connaissances n’ont pas de sens pour eux, et ils ne vont pas les explorer jusqu’au bout parce qu’elles n’ont pas de sens pour eux. C’est différent quand on apprend dans le plaisir : lorsque le bébé est dans une relation de plaisir partagé de dialogue avec son parent. C’est le cas de beaucoup de pédagogie dans les quatre pays nordiques, au Québec, en Australie et dans d’autres pays…
Cela démarre en particulier avec les travaux, du professeur Antoine Guedeney et du docteur Josette Serres. Avant deux mois et demi le bébé avait un sourire musculaire involontaire, mais ensuite ce sourire social va permettre d’enclencher la relation de plaisir dans un dialogue avec un adulte ou un enfant. Là, on voit tout de suite quel est le rythme du bébé et combien cette relation de plaisir va nourrir ses appétences pour les connaissances futures. Maria Montessori disait : « le jeu c’est le travail de l’enfant. » Expérimenter au quotidien et jouer parce que par le jeu et l’expérimentation cela va donner beaucoup plus d’informations au cerveau que toucher toujours le même jouet en plastique jaune.
Donc le bébé a besoin d’explorer pour entrer dans ses compétences. Il a besoin d’aller au bout de son exploration parce que le bébé est un chercheur. C’est très important. Il va explorer parce qu’on va lui donner les moyens d’explorer. Donc, je n’ai pas de conseil à donner, mais des suggestions. J’encourage à ce que les bébés passent le plus longtemps possible dehors et surtout quand il pleut parce que la pluie donne beaucoup d’informations aussi au bébé : ce qu’il va pouvoir faire, ce qu’il y a au sol, la pluie qui tombe, qui fait du bruit sur les petits cailloux. Tout ça est très important pour le tout petit qui va bâtir ses compétences grâce aux moyens qu’on va lui fournir pour aller au bout de ses explorations.
Cela rejoint tout à fait la dernière question que je voulais vous poser. Dans notre monde qui s’accélère, auriez-vous des suggestions à donner soit aux parents, soit aux futurs parents. Et puis, est ce que vous avez des exemples que vous avez vécu avec ces derniers qui illustrerait ces conseils ou ces suggestions ?
Alors vous faites bien de citer ces deux termes là, parce que les conseils, ça fait longtemps qu’ils y sont et je les ai bannis de mon vocabulaire. Depuis mon expérience en Australie, je ne donne jamais de conseils aux parents, Ce serait très présomptueux de ma part. En revanche, fournir de l’information fiable, oui. Les parents savent, ils ont porté leur bébé et c’est eux qui connaissent le mieux leur enfant. Favoriser tout ce qui va permettre aux cinq sens de se développer.
La musique bien entendu. Le bébé est aidé et porté pendant neuf mois dans un bain musical. Cette prosodie de la langue est une musique pour lui, et c’est ce qui va forger sa langue maternelle. Il y a beaucoup d’études scientifiques sur ce que la musique apporte aux tout petits. Ce n’est pas en mettant du Bach ou du Mozart tous les jours à mon enfant que ce dernier va être plus intelligent ! Cela se réfléchit. Ce sont des rythmes adaptés au moment de la journée, à son développement, à son âge, etc…
J’encourage tout ce qui favorise les cinq sens de l’enfant, évidemment sous le regard bienveillant de l’adulte, comme un phare allumé qui est, comme le dit Anne-Marie Fontaine, bienveillant, attentionné et attentif à ce que fait l’enfant. Si l’exploration est riche, suffisante, très nourrissante alors le bébé va apprendre beaucoup plus. Le petit dans ses 1000 premiers jours, va beaucoup plus apprendre dehors. Parce que les explorations sont plus intenses et plus riches qu’à l’intérieur.
Tout objet peut être intéressant pour un enfant. Regardez ce que faisait Maria Montessori avec les tout-petits pour leur apprendre à faire tout seul. La délicatesse des enfants fait que dans notre dernier voyage d’étude en Allemagne, les enfants respectaient les petits dans cette « Kita » qui est une crèche en Allemagne. Ils mettaient la table avec des assiettes en porcelaine !!! Apprendre le beau, c’est très important aussi ! Quand on fournit un environnement respectueux aux enfants, ils vont pouvoir le respecter et vont à leur tour respecter leur environnement. C’est parce qu’on aura été respectueux avec eux et qu’on leur aura fait confiance et ça, c’est très important pour la confiance en l’enfant.
Merci beaucoup Nathalie Casso-Vicarini !
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