Projet « Somatosensory prediction in the premature neonate brain »
Projet gagnant du prix 2022 de recherche scientifique de “5 senses for kids Foundation” en partenariat avec la Société des Neurosciences.
La recherche « Somatosensory prediction in the premature neonate brain» est menée par la Docteure Victoria Dumont, chercheure post-doctorante et psychologue. Recherche publique à but non lucratif.
Unité de Recherche COMETE, UMR-S 1075 INSERM/UNICAEN
Pôle de Formation et de Recherche en Santé
2 rue des Rochambelles F-14032 CAEN Cedex 5
Contexte scientifique du projet « Prédiction somatosensorielle dans le cerveau des nouveau-nés prématurés»
- La prématurité (i.e. naissance avant 37 semaines d’aménorrhée) concerne plus d’une naissance sur dix.
- Ces naissances surviennent au cours du 3eme trimestre de gestation, qui est une période extrêmement importante de la grossesse, notamment en raison de l’intensité du développement cérébral au cours de ces 3 derniers mois.
- La prématurité constitue un risque développemental majeur pour les nouveau-nés qui sortent vivant des services de Néonatalogie.
- 4 prématurés sur 10 présentent un trouble pendant l’enfance.
- Ces troubles associés à la prématurité sont nombreux, et touchent toutes les sphères du développement : cérébral, cognitif, moteur, sensoriel, émotionnel, et social.
- Il existe une prévalence accrue de profils sensoriels atypiques chez ces enfants, notamment dans les modalités visuelles, auditives et tactiles. Les études de suivi montrent également un risque majoré chez les enfants nés prématurément de présenter un trouble neurodéveloppemental durant l’enfance tels que les Troubles du Spectre Autistique ou les Troubles de l’Attention avec ou sans Hyperactivité.
- Or ces troubles sont fréquemment associés à des particularités du traitement tactile : on peut retrouver chez ces enfants des comportements de type défense tactile (i.e. évitement), ou encore des difficultés d’habituation, c’est à dire de filtrage des informations sensorielles non pertinentes.
Enjeux du projet
- En raison du facteur de risque que constitue la naissance prématurée, l’environnement précoce et les stimulations sensorielles, notamment tactile, qui y sont associées sont de plus en plus incriminées dans la survenue de ces troubles.
- Jusqu’à présent peu d’attention a été accordée à l’étude de la façon dont les nouveau-nés prématurés traitent l’information tactile. Or le toucher est la forme la plus primitive de liens au monde extérieur : c’est le 1er sens à apparaître durant le développement fœtal. Omniprésent à la naissance, c’est sur cette modalité sensorielle fondamentale que vont se développer par la suite les modalités plus distales et la cognition (Rigato et al., 2017). Dans le cadre d’une naissance avant terme, les nouveau-nés sont soumis à des informations tactiles pour la plupart nouvelles et inadaptées, très différentes de celles de l’environnement utérin, à la fois en termes de qualité et de quantité.
- L’étude du traitement tactile en période néonatale pourrait être la clé pour comprendre les origines du développement cognitif et pour trouver les premiers marqueurs de vulnérabilité neurodéveloppementale chez ces nouveau-nés prématurés.
Objectifs du projet
- Nous partons du postulat que le toucher serait la première base des apprentissages et que les mécanismes de traitement des informations mis en place via cette entrée tactile vont conditionner la façon dont le nouveau-né va ensuite comprendre les stimuli produits par les autres types de sensorialité. Or, dans le cadre de difficultés développementales, des atypies sensorielles et des troubles cognitifs sont présents chez les mêmes enfants.
- Par ailleurs, ces atypies sensorielles précèdent les symptômes qui serviront à poser un diagnostic de trouble du neurodéveloppement. Dans les populations à risque comme les nouveau-nés prématurés, ces troubles sont quatre à cinq fois plus fréquents, pour autant, on ignore encore si les atypies sensorielles sont à l’origine des troubles cognitifs.
- L’objectif du projet était donc de caractériser ces compétences à la naissance. Nous avons évalué, 4 semaines avant l’âge équivalent du terme, la capacité du cerveau des nouveau-nés prématurés nés entre 31 et 32 semaines d’aménorrhées à traiter la stimulation tactile (au sein du cortex somatosensoriel). Il s’agissait également d’évaluer leur capacité à anticiper (i.e. prédiction sensorielle) la stimulation tactile répétée en fonction de la régularité de présentation de celle-ci (soit à intervalles identiques, soit à intervalles irréguliers). Enfin nous souhaitions étudier leur capacité à s’habituer à la stimulation tactile (i.e. suppression par répétition) en comparant l’amplitude de la réponse cérébrale au cours des 13 minutes du protocole de stimulation tactile. L’ensemble des réponses cérébrales au sein du cortex somatosensoriel a été évaluée par Spectroscopie de Diffusion (DCS), qui consiste à envoyer de la lumière infrarouge de basse intensité à travers le crâne pour mesurer la concentration en oxygène du sang qui augmente en réponse à l’activité neuronale. Cet outil présente l’avantage d’être non invasif et silencieux.
- Cette étude s’est déroulée entre 2016 et 2019.
Résultats et impacts du projet
- Notre étude a mis en évidence pour la première fois, que les nouveau-nés prématurés sont déjà capables de former des prédictions sensorielles : après plusieurs répétitions de la vibration, ils s’attendent à celle-ci. Lorsque les intervalles de stimulation tactile étaient identiques leur cerveau cesse de réagir à la stimulation parce qu’elle est très prévisible, et ni douloureuse ni plaisante : le cerveau l’ignore et garde ses ressources pour autre chose.
- Dans le cas de stimulations tactiles irrégulières, l’activité du cerveau augmente dans l’intervalle de temps où l’événement tactile est susceptible de se produire, l’attention reste donc portée sur cette stimulation probable mais pas complètement prévisible.
Ces travaux montrent que les nouveau-nés prématurés ne subissent pas passivement leur environnement mais vont apprendre de leurs expériences et réguler leur activité cérébrale en fonction.
- Nous étudions actuellement la valeur pronostique de ces capacités de prédiction somatosensorielle à la naissance chez cette population vulnérable sur leur développement neurocognitif ultérieur.
- Pour ce faire, nous incluons 90 nouveau-nés prématurés nés entre 24 et 34 semaines d’aménorrhées. Tous les nouveau-nés ont un Electroencéphalogramme (EEG) et une Spectroscopie dans le proche infrarouge (NIRS) au cours de la séquence de stimulation tactile avant la sortie d’hospitalisation.
Les bébés nés avant 32 semaines de gestation (qui sont le plus à risque de troubles neurodéveloppementaux) passent également une IRM pour calculer le volume de leur cortex somatosensoriel et évaluer sa connectivité avec le cortex frontal. L’ensemble des enfants seront revus à 2 ans pour évaluer si les mesures réalisées à la naissance sont prédictives de la qualité de leur développement. Si un lien est observé entre les deux, il s’agira de développer un projet spécifique pour évaluer l’effet d’une intervention sensorielle précoce pour enfants. Pour suivre ce projet en cours : decode.unicaen.fr
Réalisé par la Docteure Victoria Dumont, un livret à destination de futurs parents ou jeunes parents est maintenant disponible sur ce site. Ce livret met en avant l’importance du toucher :
Pour en savoir plus :
- Pour en savoir plus sur l’article publié : Somatosensory prediction in the premature neonate brain – ScienceDirect