Projet «  Codage neuronal du rythme auditif au cours du troisième trimestre de gestation »

Second projet gagnant des prix 2023 de recherche scientifique de “5 senses for kids Foundation”

Objectifs du projet

Ces dernières années, grâce aux progrès de la réanimation néonatale, le taux de survie global des nouveau-nés prématurés nés après 25 sAG a augmenté (11 %, 18 % et 13 % d’augmentation pour respectivement 25, 26 et 27 sAG). Cependant, les prématurés, et particulièrement les grands prématurés, restent exposés à des risques élevés de troubles neurodéveloppementaux ce qui est susceptible d’avoir un impact sur la qualité de vie du nourrisson et de sa famille, non seulement pendant la période néonatale, mais tout au long de sa vie.

Parallèlement aux problèmes neurodéveloppementaux d’origine périphérique/centrale, les nouveau-nés prématurés passent une partie de la période correspondant au troisième trimestre de gestation en réanimation, où ils sont privés des sons rythmiques maternels omniprésents et des rythmes environnementaux provenant de l’extérieur de l’utérus, y compris ceux correspondant aux pas, à la parole et aux chants qui atteignent le fœtus à l’intérieur de l’utérus. Il a été proposé que ce changement dans l’entrée auditive participe aux troubles neurodéveloppementaux, d’autant plus que le cerveau est le siège d’un développement structurel et fonctionnel rapide au cours du troisième trimestre de gestation. Pendant cette période, les connexions synaptiques sont affinées non seulement par l’activité spontanée, mais aussi et surtout par l’activité neuronale sensorielle.

La perception des intervalles de temps et de la structure rythmique est essentielle à la compréhension du monde auditif. Les perturbations de ces processus ont un impact négatif sur le développement du langage et de la musique et, par conséquent, de la communication et des interactions sociales. Le codage du rythme auditif est particulièrement important car les régularités temporelles permettent de prédire les sons à venir dans l’environnement, en particulier concernant la parole et la musique. Le lien entre le traitement du rythme et le traitement du langage a suscité de nombreuses recherches, et également a conduit à l’hypothèse relative aux capacités rythmiques atypiques comme facteur de risque potentiel pour le développement de troubles du langage. Pourtant, nous savons peu de choses sur l’impact de la prématurité sur le développement du traitement du rythme, et si les interventions musicales peuvent améliorer les déficits neurodéveloppementaux.

Afin de donner à ces enfants le meilleur départ possible, il est essentiel de comprendre les déficits précoces, comment ils affectent le développement au cours des mois suivant la naissance, et de rechercher des solutions possibles pour une action et une compensation précoce. Nous unissons nos forces au sein d’un consortium unique composé de neuroscientifiques cognitifs, de musiciens, d’ingénieurs et de cliniciens pour mener une étude longitudinale structurée et contrôlée sur le développement neurologique précoce de la perception du rythme et sur les bénéfices des interventions musicales très précoces chez les nourrissons prématurés.

Projet

Nous utilisons une approche de neuroimagerie électrique utilisant l’électroencéphalographie haute résolution pour évaluer les caractéristiques des réponses neuronales à la fois chez le prématuré dans la semaine qui suit la naissance et à l’âge équivalent au terme afin d’évaluer le développement des réseaux neuronaux. Lors des séances de suivi, des échelles de développement et des tâches comportementales ciblant les capacités rythmiques complètent notre approche en neuroimagerie, et permettent d’aborder le développement cognitif/neuro, et la perception rythmique des nourrissons, ainsi que les manifestations comportementales et sociales d’éventuels déficits de traitement du rythme. Nous visons à révéler la nature et les trajectoires de développement du rythme, diminuer les difficultés de la prématurité et proposer des interventions ciblées efficacement pour améliorer l’environnement auditif bruyant et non structuré de la réanimation néonatale.

Jusqu’à décembre 2023, nous avons recruté 65 nouveau-nés prématurés au cours du troisième trimestre de gestation et avons montré que, comme chez les adultes, le cerveau des prématurés s’entraîne à des périodicités dans des séquences auditifs rythmiques à différents niveaux de hiérarchie métrique. Nous avons trouvé que la réponse neuronale prématurée ne reflète pas complètement la structure rythmique des séquences sonores, mais améliore sélectivement les fréquences aux mètres. Cela conduit à l’hypothèse d’un mécanisme actif basé sur des oscillations neuronales endogènes et un traitement temporel au cours de cette étape précoce du neurodéveloppement. Nous avons également montré l’évolution de ces capacités au cours du troisième trimestre de gestation. En effet, ces capacités s’améliorent avec l’augmentation de l’âge gestationnel à la naissance. Certaines réponses à la hiérarchie rythmique arrivent probablement tardivement au cours de la gestation. En effet, nos résultats montrent que contrairement aux nouveau-nés prématurés, la perception du mètre (groupement des pulsations) et l’amélioration sélective de la réponse métrique étaient absentes chez les nouveau-nés grands prématurés, suggérant le développement tardif d’une représentation temporelle de haut niveau de la séquence rythmique au niveau cortical.

Impacts du projet 

À présent que la capacité de codage rythmique chez le nouveau-né prématuré est établie, des recherches sont en cours pour explorer l’importance de la stimulation sonore rythmique au cours des dernières semaines de la grossesse. À terme, notre objectif est de déterminer si des interventions musicales peuvent améliorer la perception du rythme chez ces prématurés, contribuant ainsi à favoriser un meilleur neurodéveloppement initial pour ces enfants.

Ce projet est réalisé avec la direction de Sahar Moghimi, au sein du laboratoire l’Inserm U1105, GRAMFC, l’université de Picardie Jules Verne, en collaboration avec Barbara Tillmann de l’Université de Bourgogne, Laurel Trainor, de l’Université de Hamilton, Canada, et Fabrice Wallois et Florence Levé de l’Université de Picardie.

Références : Edalati, M., Wallois, F., Safaie, J., Ghostine, G., Kongolo, G., Trainor, L. J., & Moghimi, S. (2023). Rhythm in the premature neonate brain: Very early processing of auditory beat and meter. Journal of Neuroscience, 43(15), 2794-2802.

Les publications récentes sur nos études sont disponibles sur notre site Web : https://gramfc.u-picardie.fr/premusic-babymusic

Si vous souhaitez participer