La semaine du cerveau
La Semaine du Cerveau regroupe un ensemble d’événements scientifiques qui ont pour but de sensibiliser le grand public sur l’importance de la recherche sur le cerveau.
Mais elle permet aussi d’échanger à travers des conférences et d’autres manifestations sur cet organe si particulier, qui joue un rôle central dans notre vie.
Pour vous la présenter, nous avons interviewé celui qui s’est chargé de son organisation pendant 10 ans, Roland Salesse, ingénieur Agronome, Docteur ès Sciences, Chargé de mission à la Culture Scientifique et qui a œuvré pendant longtemps au Centre INRAE de Jouy-en-Josas, dans l’Unité de Neurobiologie de l’Olfaction.
Qu’est-ce que la semaine du cerveau ?
Bonjour Roland, nous vous connaissons principalement comme membre du conseil scientifique de 5 Senses 4 Kids Foundation et parmi vos multiples activités, vous participez également à la coordination de la semaine du cerveau.
Pouvez-vous nous en dire plus sur cette manifestation d’envergure internationale ?
Roland Salesse : Bonjour. Effectivement, j’ai coordonné “La semaine du cerveau” pendant 10 ans au niveau national pour la société des neurosciences. Depuis l’année dernière, j’ai passé la main à des collègues. Maintenant je m’occupe des relations et des partenariats de la société des neurosciences avec les différents partenaires universitaires et privés.
La semaine du cerveau en est à sa 24ème édition en 2022. C’est une manifestation scientifique qui a pris un essor considérable depuis une douzaine d’années. En grande partie parce qu’on a pu « voir le cerveau penser » grâce à tous les progrès de l’imagerie cérébrale.
Du coup, le cerveau est devenu un organe médiatique, si je puis dire, dont on a pu voir les images d’activation. Et comme tout le monde est soit intéressé, soit soucieux du fonctionnement de son cerveau, de plus en plus de personnes sont venues nous voir.
La semaine du cerveau, c’est vraiment un partage avec celles et ceux qui viennent à nos manifestations scientifiques. On peut échanger sur leurs questionnements et les éventuelles réponses qu’on peut leur donner sur le fonctionnement du cerveau et son rôle moteur pour l’être humain.
Le programme de la semaine du cerveau
Quels types d’évènements organisez-vous lors de cette semaine en France et quelles thématiques mettez-vous principalement en avant ?
Roland Salesse : Il faut bien voir comment est organisée la semaine du cerveau. Ce sont des comités locaux indépendants, basés en général sur des villes universitaires qui organisent les événements de la semaine. Chaque comité, en fonction des orientations majeures des recherches dans son domaine et des demandes auxquelles il est confronté, propose un programme de façon indépendante.
D’abord, il y a eu l’impact du COVID qui nous a obligés à passer du tout présentiel au presque tout distanciel. Et finalement, on a maintenant réussi à organiser des manifestations à la fois en présentiel et en distanciel.
Comme nous proposons également nos manifestations en replay, on a eu beaucoup plus de fréquentations que d’habitude. On était monté autour de 80 000 personnes en tout en présentiel. Maintenant, on est à plus de 100 000.
Vu la diversité des programmations, c’est difficile de dire qu’on met en avant tel ou tel sujet. Je vois par exemple sur le site de la semaine du cerveau en ce moment : les relations entre la peau et le système nerveux. La peau et le système nerveux sont de même origine embryonnaire. En gros, ils fonctionnent en parallèle. Quand on a des problèmes psychologiques, ça peut donner de l’eczéma.
Il y a aussi de plus en plus des choses qui tournent autour de ce qu’on appelle la neuro-éducation. La neuro-éducation, c’est la possibilité qu’on a maintenant d’aller voir dans la tête aussi bien des enfants (même tout-petits) que des adultes, et de savoir ce qui se passe quand ils sont en apprentissage.
À Grenoble, la conférence inaugurale va être faite avec la participation de musiciens. Et au Baby Lab de l’université de Grenoble, ils étudient les relations entre l’écoute de la voix, de la musique et le développement du langage. On commence à se poser des questions qui sont relativement complexes et qui demandent des années d’études pour suivre les enfants et mettre au point des protocoles qui puissent mettre en évidence des mécanismes.
En quelques mots, quelles sont les fonctions du cerveau, à quoi sert-il ? Stimuler nos 5 sens participe-t-il au bon fonctionnement du cerveau ?
Roland Salesse : Il sert à tout, si je puis dire. Il faut quand même préciser qu’on n’a jamais vu un cerveau sans corps et un corps sans cerveau. En fait, il y a une étroite relation entre les deux. Le cerveau porte la représentation du monde extérieur et de notre monde intérieur et il en fait la synthèse.
Il dirige nos prises de décision et nos comportements dans ce monde complexe.
Bien entendu, on a tendance à privilégier les sens parce que c’est la relation avec le monde extérieur. C’est grâce au développement multisensoriel que le cerveau va pouvoir se construire une représentation du monde réel. Et à mesure que l’enfant grandit, il va ajuster cette représentation du monde réel pour qu’elle soit de plus en plus riche et fonctionnelle.
Il n’y a pas que le sensoriel là-dedans. On parle beaucoup des 5 sens, mais il y a aussi l’intéroception, la conscience de soi-même : à chaque fois, la conscience de soi-même évolue avec l’âge. Elle évolue même à chaque instant en fonction de notre état intérieur.
Cette intéroception va permettre de mettre en regard aussi notre état avec le monde extérieur. Cela se fait tout seul parce que les circuits du cerveau du bébé sont déjà précâblés mais pas spécialisés, dans ses perceptions et dans leur intégration. C’est petit à petit, avec l’expérience que ces circuits vont devenir plus performants et construire les relations entre eux.
Le cerveau contrôle-t-il nos sens ou bien est-ce l’inverse ?
Roland Salesse : On a un peu tendance à dire que le cerveau contrôle tout. Nous, chercheurs, on dit plutôt qu’il est plastique.
C’est-à-dire qu’il sait s’adapter aux informations qu’il reçoit, en particulier aux informations sensorielles. Il va établir une représentation cérébrale de ses perceptions et de l’expérience acquise, ainsi que de notre état physiologique, pour décider du comportement à avoir.
Avec le cerveau, c’est toujours plus compliqué. Même une simple cellule est déjà capable de savoir si elle est dans un environnement favorable ou non. En fait un animal multicellulaire comme l’homme a une capacité d’intégration plus grande, à la fois de l’état de nous-même et du monde pour adapter nos comportements.
Devant la montée de l’intelligence artificielle et des nouvelles technologies, comment peut-on continuer à bien prendre soin de notre cerveau ? Avez-vous des conseils pour que notre cerveau ne « s’endorme » pas ?
Roland Salesse : C’est un domaine où je ne suis pas très compétent. Je vais vous partager une opinion que j’ai glané dans mes lectures. On voit deux tendances : l’idée d’un rejet des technologies qui empêcheraient notre cerveau de se développer normalement ; et de l’autre côté l’idée que toutes les nouvelles technologies aideraient le cerveau à se développer ou à se réserver les tâches les plus nobles et créatrices.
C’est difficile à dire. Il y a des résultats qui vont dans les deux sens : aussi bien des neuroscientifiques comme Stanislas Dehaene et son équipe, qui mettent au point des logiciels sur tablette pour aider à l’éducation des petits enfants ; ou d’autres neuroscientifiques comme Michel Desmurget qui parlent de La fabrique du crétin digital.
Si notre mémoire est entièrement déportée dans des machines, comment dans notre cerveau, allons-nous organiser les relations entre les différentes mémoires qui sont étroitement en rapport avec notre perception du monde et nous-mêmes ?
Que des machines nous aident, oui c’est incontestable. On le voit bien dans la recherche, où il y a vraiment une ruée vers l’intelligence artificielle qui nous permet d’aller bien plus loin dans l’interprétation complexe sur des bases de données énormes.
Dans le quotidien, ça me semble beaucoup plus discutable. Il me semble important que les petits enfants puissent se confronter en permanence à la réalité, et non pas seulement à la réalité virtuelle, pour réaliser l’intégration de tous leurs sens et d’eux-mêmes dans le monde.
Le lien entre 5 Senses 4 Kids Foundation et la semaine du cerveau
Roland Salesse : La semaine du cerveau est une manifestation qui est très ouverte. Elle est organisée par des neuroscientifiques, mais en étroite relation avec la société civile : des individus, des associations, des fonds de dotations et des fondations. Ces relations permettent à la semaine du cerveau d’aller un peu plus loin dans les questions que se posent les patients et les familles à propos des nouveaux soins, notamment pour les maladies neurodégénératives.
Cela permet de répondre aussi aux questions qu’on se pose sur la prévention de maladie ou pour vivre le plus longtemps possible en bonne santé. On sait que tout débute dès la petite enfance et même dès la grossesse, pendant cette période des 1000 premiers jours où commence à se construire notre personnalité. 5 senses for kids Foundation entend favoriser les recherches et les initiatives portant sur les premières années car ces premiers moments contribuent, avec l’environnement maternel et familial, puis l’environnement social, au bien-être et à la santé des enfants