Interview Catherine LEFEVRE

Bonjour Catherine LEFEVRE
Vous êtes psychomotricienne, diplômée en sciences de l’éducation et en neuro-éducation.
Tout d’abord, pouvez-vous partager avec nous votre parcours professionnel, car je crois que vous avez eu plusieurs métiers ?
En effet, jeune étudiante je me suis dans un premier temps orientée vers un métier artistique. Je suis « montée à Paris » pour faire de la danse. Formée à l’école Irène Popard, j’ai bénéficié d’un enseignement précurseur en matière d’éducation au mouvement. Fondée en 1917, s’inspirant de la danse d’Isadora Duncan et de la rythmique d’Emile Jaques-Dalcroze, la méthode Irène Popard fut la première à s’intéresser à l’éducation corporelle et artistique du jeune enfant afin de « Permettre à l’enfant comme à l’adulte de connaître son corps et de la maîtriser peu à peu, de se déplacer rythmiquement et musicalement, dans l’espace et le temps ».
Plus tard, et sans renier cet enseignement précieux – bien au contraire ! – je suis devenue psychomotricienne : le corps et le mouvement, éléments de base aux fondements d’un développement harmonieux sont devenus mes leitmotivs !
Depuis plus de 30 ans de profession dans les métiers de la petite enfance, j’ai aussi connu le secteur hospitalier en accompagnant les enfants grands prématurés jusqu’à leur deux ans. J’ai aussi participé au secteur associatif : j’ai travaillé 6 ans pour l’association « Solidarité Enfant Sida ». J’ai fait de la formation auprès de l’ACEPP pour de futur.e.s assistantes maternelles, futur.e.s auxiliaires de puériculture, et futur.e.s éducateur.rices de jeunes enfants. Je me suis également impliquée dans le secteur privé dit lucratif où j’ai évolué vers un poste de responsable pédagogique pour plus de 350 EAJE, et aujourd’hui je suis de retour dans un groupe associatif.
Je me suis formée tout au long de de ma carrière. Formatrice de formateur à l’approche Snoezelen, j’ai introduit cette approche dans le milieu de la petite enfance en France. Je suis diplômée en science de l’éducation, en neuro-éducation pour apprendre et comprendre des avancées scientifiques, les corrélations avec les pédagogiques dites nouvelles, et les découvertes permettant une réflexologie pour repenser les pratiques quotidiennes auprès des enfants et des familles.
Mes formations en RMTI en sont une illustration. Comment les connaissances scientifiques sur l’intégration des réflexes offrent un regard nouveau sur l’importance de la génèse de l’être humain, et finalement sur son développement lors de la période ante-périnatale pour le développement, et surtout sur des pistes de prises en charge. Vous noterez d’ailleurs l’importance du mouvement qui se rappelle à moi, tout au long de mon parcours professionnel.
Aujourd’hui, consciente des attentes nombreuses reposant sur les épaules des professionnel.le.s de la petite enfance en ce domaine, je me forme à la psychologie et psychopathologie de la parentalité.

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Vous avez écrit le livre « Motricité et sensorialité du jeune enfant » aux éditions Dunod. Pourquoi avez-vous écrit ce livre ?
Ayant la chance immense d’être entendue par mes collègues : professionnel.le.s de terrain, responsables, formateurs, et contribuant depuis plusieurs années par le biais d’articles sur le site « les pros de la petite enfance », j’avais à cœur de transmettre par l’écrit. La formation et les conférences sont des axes de transmission précieux et enrichissant, mais circonscrites à un espace-temps défini et dont les traces sont incertaines. L’ouvrage permet de toucher un nombre de professionnel.le.s et peut-être également de parents.
Ecrire un livre était aussi un exercice nouveau, un challenge. L’espoir d’être lue et de voir ses idées reprises et partagées. C’est une grande fierté et ne nous le cachons pas : un plaisir !
Quel est le sujet de ce livre et en quoi peut-il aider des parents et des personnes qui s’occupent des enfants ?
Ce livre parle du développement de l’enfant de 0 à 3ans. Il aborde l’importance des périodes sensibles : fenêtres espace-temps facilitant certains apprentissages dans le développement du tout petit. L’ouvrage cible la période sensible motrice et la période sensible sensorielle. Une fois le mécanisme neurologique intégré, ce livre invite le lecteur a s’approprier la théorie et à la faire vivre, grâce à des fiches idées simples et accessibles à toutes et tous.
Vous mettez en avant l’importance du développement du jeune enfant pour la période qui va de 0 à 3 ans. Pourquoi et en quoi cette période est-elle importante à la fois pour la motricité et pour les aspects sensoriels ?
Je tiens d’abord à rappeler que parfois la sensorialité est stimulée par le mouvement, et parfois elle est elle-même mouvement lorsqu’il s’agit de proprioception et de kinesthésie. La sensorialité peut encore amener le mouvement.
De 0 à 3 ans, l’enfant découvre le monde environnant par le biais de ses sens ;
- Il est rassuré par le son de la voix de ses parents,
- Il prend plaisir à la douceur et à la chaleur de la peau qui le porte
- Il s’accorde à l’odeur de celui ou de celle qui prend soin de lui/d’elle …
- Il prend confiance en lui-même grâce aux bercements-balancements qui stimulent le système vestibulaire …
Pour des raisons phylogénétiques et initialement de survie, les sens sont dès la naissance, pour la grande majorité d’entre eux, très matures neurologiquement parlant. Ces stimulations sensorielles génèrent des ressentis et des réponses souvent motrices qui lui offrent des sensations. Le cerveau et le corps enregistrent ces informations qui seront plus tard à l’origine des apprentissages spatio-temporels et cognitifs.
C’est le vécu sensoriel qui incite l’enfant à découvrir et explorer.
Pour la construction et la mise en place des apprentissages, que pouvez-vous partager avec nous par rapport à la mémoire – ou les types de mémoire mobilisés ?
L’enfant utilise essentiellement deux types de mémoires pour ancrer ses apprentissages dans le cerveau :
– La mémoire épisodique, liée au contexte (liée au cortex préfrontal). Il est important d’offrir aux enfants des environnements aux ambiances positives et agréables afin que leurs apprentissages en soient facilités.
– La mémoire répétitive liée à l’hippocampe. Elle rappelle combien la répétition tant verbale que gestuelle est nécessaire pour que le jeune enfant puisse mettre en mémoire l’apprentissage qui y est liée.
Quelle est également l’importance :
. du plaisir dans ces apprentissages ?
Le plaisir est l’élément essentiel des apprentissages : il est l’incitateur à l’action, à la prise de risque et au faire. Il maintient et développe la curiosité et la motivation au renouvellement des essais et donc des apprentissages. Le plaisir favorise l’engagement actif et la persévérance.
Le plaisir permet la consolidation des apprentissages : les émotions positives, facilitent la mémorisation et la compréhension (cf. la mémoire épisodique). Elles favorisent la production de dopamine impliquée dans le renforcement des connexions neuronales – ce qui améliore la rétention des informations.
. du sommeil ?
Le sommeil permet le repos, la restauration physique, la production d’enzymes et d’hormones notamment de croissance.
Mais le sommeil c’est avant tout « appuyer sur la touche « enregistrer » de l’ordinateur » ! Dormir permet au cerveau de mettre en mémoire les apprentissages. Il permet la consolidation de la mémoire, le développement cérébral, participe à la régulation des émotions, et à l’amélioration des fonctions cognitives.
Un sommeil de qualité et régulier est essentiel pour optimiser les capacités d’apprentissages du jeune enfant et son épanouissement global. Il est intéressant de noter que les rythmes changent en fonction du contexte ! Il ne s’agit pas de simples comportements archaïques ou réflexes. Ils témoignent d’une forme d’expression.

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Quelle conclusion souhaitez-vous faire sur ces vastes sujets que sont motricité et de sensorialité pour les enfants de 0 à 3 ans ?
La sensorialité et la motricité sont précurseuses de nombreux apprentissages. Ils sont surtout pour l’enfant comme pour l’adulte générateurs de plaisir. Ne nous privons pas d’expériences ou de situations qui nous les offriraient.
Merci Catherine Lefevre.
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