« Les parfums de la nature » par Roland Salesse chez QUAE (2024).

Bonjour Roland Salesse, vous avez récemment écrit le livre » les parfums de la nature » aux édition QUAE. La communication chimique universelle du vivant est au cœur de votre livre. Aujourd’hui, vous nous rappelez la place importante de l’odorat dans la nature et dans notre vie.
Comment peut-on faire une promenade olfactive?
Une simple promenade nez au vent à travers les douze mois de l’année nous confrontent déjà aux différentes facettes de la communication chimique dans la nature. Nous rencontrons des plantes odorantes bien connues qui fleurissent à contre-saison, ramenées en Europe par des explorateurs oubliés. Nous trouvons des arbres et des champs de grande culture. C’est le théâtre d’un équilibre silencieux ‒ mais néanmoins odorant ‒ entre les espèces vivantes. Et toujours la présence de l’homme qui façonne son environnement, en ville comme à la campagne.
L’odorat, comment ça marche ?

La perception de l’environnement chimique varie selon les organismes. Ainsi, les bactéries, qui n’ont qu’une seule cellule, associent la détection des COV (composé organique volatils) à un comportement simple, tel que l’approche ou la fuite. Les végétaux, qui ne peuvent fuir, possèdent un système décentralisé. Chaque cellule est dotée de récepteurs aux signaux internes ou externes, permettant des réponses adaptées, qu’il s’agisse de repousser les herbivores ou d’attirer les pollinisateurs. Chez les animaux, ce processus est centralisé. Des capteurs périphériques reçoivent les messages chimiques, qui sont ensuite convertis en message nerveux puis transmis au cerveau pour analyse et réponse appropriée.
Pourquoi dites-vous que les plantes sont des fantastiques usines chimiques ?

Une plante ne peut se mouvoir (on dit qu’elle est sessile, du latin sessilis, « être assis »). Comment en ce cas peut-elle se reproduire, se nourrir, se protéger des dangers et des prédateurs ? Grâce à la chimie ! La photosynthèse fournit les briques de bases et l’énergie pour la synthèse des glucides, des protéines, des acides nucléiques, des acides gras. Au cours de l’évolution, des variants des gènes des enzymes traitant ces briques de base se sont accumulés. Cela apporte de nombreuses possibilités de transformation en produits de protection, de répulsion des parasites, d’attraction des pollinisateurs et des parasitoïdes (les parasites des parasites) et de communication avec les autres plantes, les champignons et les bactéries.
Vous avez dit « COV » ?

Les COV (composés organiques volatils) ne sont pas que des fantaisies de l’évolution, ils ont des rôles écologiques. Ces molécules volatiles sont émises non seulement dans l’air mais aussi dans les sols. Les COV constituent toujours des formes de communication. Nous observons les multiples astuces que déploient les plantes pour se protéger et se défendre, pour se reproduire en attirant les pollinisateurs par des odeurs attractives et des dispositifs ingénieux, et enfin pour se nourrir.
Et pour les animaux : faut-il sentir pour survivre ?

Essentielles à la survie des végétaux, les senteurs le sont aussi pour les animaux. L’odorat joue un rôle majeur, quelquefois indispensable, dans les fonctions assurant la survie des individus et des espèces. Les odeurs permettent de s’orienter dans l’environnement, de se défendre contre les agresseurs, de se nourrir et de se reproduire. Sur terre, en mer, poissons, amphibiens, oiseaux, mammifères, insectes, tous sont concernés.
Enfin pour l’Homme : que disent les odeurs corporelles ?
Les odeurs corporelles sont liées au génome, mais aussi au microbiote qui transforme souvent des sécrétions inodores (comme la sueur) en COV plus ou moins (mal) odorants. Le monde dit « civilisé » voit d’un mauvais œil (ou d’un mauvais nez !) ces odeurs corporelles. Celles-ci fournissent pourtant beaucoup d’informations à notre sujet. Par exemple, l’âge, le sexe, l’état reproducteur, ce que nous avons mangé, notre état de santé. Les animaux ne s’embarrassent pas de tels préjugés et se reniflent entre eux sans vergogne en utilisant les senteurs corporelles pour la vie sociale et sexuelle.
Quand l’Homme a-t-il apporté sa touche parfumée ?
L’histoire des parfums remonte au moins au Néolithique (depuis 9 000 avant J.-C.) au Proche-Orient, puisque des récipients de cette époque ont été retrouvés, qui avaient été utilisés pour des parfums ou des onguents. On peut désormais identifier les espèces végétales ou animales qui ont servi à leur préparation. L’artisanat lié aux parfums a traversé les siècles depuis l’Antiquité pour devenir une industrie au XIXe siècle avec l’essor de la chimie. De nos jours, les artistes rivalisent d’imagination pour odoriser leurs œuvres et proposer au public des performances et des installations parfumées.
Pour conclure, quelles sont les 3 dimensions du monde olfactif ?
De l’océan aux terres émergées, du sous-sol à la haute atmosphère, les COV sont partout présents. Mais leurs émissions varient sur une échelle de temps fantastique. Le rythme circadien (24 h) et le rythme annuel (365 jours) sont sensibles à nos narines et à nos yeux. Mais on ne comprend l’état actuel de la communication chimique qu’à la lumière de l’évolution. Depuis l’apparition du vivant, il y a environ 3,5 milliards d’années, les espèces n’ont pu survivre et s’adapter qu’en interagissant chimiquement avec leur environnement local et global. Dans tous les biotopes, depuis les plus petits organismes (les microbes) jusqu’au plus grands, la règle a été la même : « s’adapter ou disparaître ». C’est pourquoi le changement climatique actuel soulève quelques inquiétudes à cause de sa rapidité sans précédent. L’homme, responsable de ce bouleversement, saura-t-il épargner la planète ?
Merci beaucoup Roland Salesse pour cet entretien qui nous donner encore plus envie de découvrir votre livre.
Vous pouvez retrouver le livre ici
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